Les entreprises mobilisées contre les pénuries d’eau

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 Le tiers de la population mondiale risque de vivre sous stress hydrique en 2025, soit 3 milliards de personnes contre environ 700 millions aujourd’hui, selon les perspectives évoquées dans un rapport de « Entreprises pour l’environnement », une association d’une quarantaine de grandes entreprises qui souhaitent mieux prendre en compte l’environnement dans leur stratégie. La croissance démographique, l’élévation du niveau de vie, le développement des activités, l’accélération de l’urbanisation et le changement climatique sont autant de facteurs qui menacent la ressource en eau. Un autre récent rapport du Stockholm International Water Institute a déjà tiré le signal d’alarme sur la possibilité d’une prochaine crise mondiale de l’eau.

 

Aujourd’hui, l’agriculture consomme 70% de l’eau prélevée, la production d’énergie (hydroélectricité, nucléaire…) 22% et les usages domestiques 8%. Mais d’ici à 2025, c’est l’industrie qui sera à l’origine de la forte augmentation de la consommation d’eau. Comment éviter les pénuries ? Les méthodes conventionnelles telles que le stockage de l’eau dans des réservoirs (barrage des trois-Gorges en Chine), le détournement des cours d’eau vers les régions arides ou l’exploitation de nappes phréatiques (aquifère du Sahara septentrional…) seront mobilisées mais elles ont parfois des conséquences environnementales négatives, note Entreprises pour l’environnement. Il faudra donc compter sur de nouveaux outils technologiques en cours de développement pour accroître la quantité d’eau douce disponible sans susciter d’autres impacts négatifs.

 

Le rapport évoque plusieurs pistes :

 

       La réduction de l’utilisation de l’eau dans l’industrie, déjà en cours via le développement de l’écoconception des produits ou de l’écologie industrielle pour repenser la gestion des flux sur les sites. L’exemple de Coca-Cola est mis en avant : l’eau est présente à hauteur de 85 à 99% dans la production (intrant dans les produits, rinçage des installations…). Depuis 2005, l’entreprise s’est fixée comme objectif de réduire de 10% sur trois ans ses consommations en Europe, avec plusieurs actions : des campagnes de sensibilisation des salariés, des opérations simples comme le remplacement de buses de rinçage sur les lignes de production ou des investissements plus lourds comme la mise en place d’un système de recyclage des eaux de procédé… La filiale française a ainsi économiser plus de 200 millions de litres d’eau entre 2005 et 2008, à volume produit constant. Autre exemple, le cimentier Lafarge qui remplace progressivement ses procédés à base de clinker humide ou semi-humide par des procédés à base de clinker sec ou qui recycle les eaux de procédé. Résultat : une réduction de 9,5% de la quantité d’eau prélevée pour le ciment entre 2005 et 2007.

 

       Le recyclage des eaux usées, deux fois moins cher que le dessalement de l’eau de mer. D’ici à 2015, les capacités mondiales de recyclage des eaux devraient plus que doubler pour passer à 20 km3 par an, contre 7,1 aujourd’hui. De nombreuses recherches sont en cours dans ce domaine, notamment pour rendre l’eau issue des stations d’épuration potable et utilisable à des fins alimentaires. Le rapport cite le projet STEP (station d’épuration) du futur de Veolia Environnement, qui ne vise plus à extraire les déchets pour obtenir une eau réutilisable, mais au contraire à extraire l’eau réutilisable pour ensuite exploiter les éléments de valeur contenus dans les déchets (carbone, azote…). L’eau extraite servant dans un premier  temps à l’irrigation agricole, l’arrosage des espaces verts… On ne parle plus de « station de dépollution des eaux » mais de « plateforme de raffinage ».

 

 

       La détection des fuites dans les réseaux. Là encore, les sociétés de gestion innovent via des systèmes de détection plus rapides et plus performants, comme une surveillance à distance par détection acoustique (on repère les bruits générés par la fuite) ou le recours à un gaz traceur (on injecte un gaz inerte dans l’eau sous pression, détecté à la surface du sol lorsqu’il s’échappe à l’endroit de la fuite). Selon le rapport, en cinq ans, les techniques de détection des fuites de la Lyonnaise des eaux ont permis d’économiser en France l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville de 500 000 habitants. Par exemple, à Dijon, l’entreprise a installé 165 capteurs de détection acoustique équipés d’émetteurs GSM. La filiale de Suez Environnement teste actuellement une nouvelle technique de détection des fuites unique en Europe, la SMARTBALL, utile notamment pour les longs réseaux : un capteur acoustique, placé au centre d’une balle en mousse de 65 mm de diamètre, est introduit dans une canalisation. Transportée par l‘eau, elle enregistre l’ensemble des informations relatives aux fuites. A l’issue de l’inspection, la balle est récupérée et les données enregistrées sont analysées.

 

      La récupération des eaux de pluie : encore peu développée sauf dans les pays secs, cette méthode est pourtant intéressante économiquement en raison de la gratuité de l’eau récupérée et du faible coût de l’investissement nécessaire.

 

 

       Le dessalement : c’est une solution pour augmenter la ressource en eau douce dans certaines régions côtières victimes de la sécheresse. Aujourd’hui, environ 0,05 km3 d’eau dessalée, dont 15% issus d’eau saumâtre (avec une forte concentration en sel), sont produits chaque jour dans le monde. Cette production représente 0,45% de la consommation mondiale journalière d’eau douce, mais croît au rythme de 10% par an. Son doublement est prévu d’ici 2016, ce qui ferait passer la production à 0,109 km3 par jour soit 109 fois ce que consomme quotidiennement la région parisienne. Des usines de dessalement d’une capacité de production de 0,001 km3 par jour sont en projet, ce qui accélèrerait encore la croissance du secteur. Reste plusieurs inconvénients : des conséquences environnementales négatives (rejets de saumure, effluents chimiques…), des besoins énergétiques importants (et donc un impact climatique, les usines étant essentiellement alimentées par des énergies fossiles) et un prix de vente élevé de l’eau ainsi produite.

 

Accéder à l’intégralité du rapport ici.

 

Sur le même sujet, lire aussi : « Les start up de l’eau, un pari judicieux », par Paul O’Callaghan.

 

(Photo : DR)

 

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