La bourse du carbone dopée par les financiers

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Avec l’arrivée des acteurs financiers, les échanges progressent sur le marché du carbone, constate André Marcu, directeur général de BlueNext, la bourse de l’environnement détenue par NYSE Euronext (60%) et la Caisse des dépôts (40%). Devenu plus liquide, le marché entre, selon lui, dans un cercle vertueux.

GU : La crise sur les places financière mondiales a-t-elle des répercussions sur le marché du carbone ?
Pour l’instant, je ne vois aucune conséquence en termes de volume. Mais restons prudent : de très gros acteurs financiers sont touchés, comme Lehman Brothers ou Merrill Lynch, et il risque d’y avoir plus de prudence de manière générale sur les marchés. Le marché des crédits carbone (CER), que nous venons juste de démarrer, pourrait subir un certain ralentissement dans les prochaines semaines.

GU : Le marché spot des quotas européens (EUA) a enregistré une forte hausse des transactions durant l’été. A quoi est-elle due ?
Nous avons effectivement battu un record, avec 1 504 000 tonnes de CO2 échangées durant la journée du 14 août. Et en juillet, le volume total des quotas traités a atteint 9 millions de tonnes. Cela s’explique par l’arrivée de nouveaux acteurs. Des entreprises et aussi des institutions financières, des fonds et des banques venus notamment d’Amérique du Nord, comme la Royal Bank of Canada. Ils apportent de la liquidité, ce qui attise encore les échanges. On entre dans un cercle vertueux.

GU : Mais le marché du carbone reste très volatil…
Bien sûr. C’est un marché très jeune, pas plus de trois à quatre ans d’existence, encore en phase d’apprentissage. Et regardez ce qui se passe actuellement sur les marchés plus matures ! Il y aura des cycles et nous commençons à les découvrir. Là, sur le marché des EUA, nous sommes dans la première année de la seconde phase des allocations de quotas européens, c’est une nouvelle étape. De plus, ce marché n’est pas isolé, décorrélé des autres et notamment du pétrole, du gaz ou de l’électricité, ce qui provoque des fluctuations. Les professionnels divergent sur les mécanismes de fonctionnement : est-ce le marché du gaz qui dirige celui du carbone ou l’inverse ? On ne sait pas encore de manière sûre.

GU : Certains experts anticipent une forte hausse du prix du carbone. Qu’en pensez-vous ?
Nous sommes une plate-forme d’échanges, ce n’est pas à nous de fixer un objectif de cours. Mais le marché du carbone est particulier : il a été créé par le régulateur pour susciter un changement d’attitude. Il doit aider l’industrie et la société dans son ensemble à faire des mutations structurelles pour lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les émissions de CO2. L’Europe est la plus active mais les autorités exerceront toujours une surveillance : il n’est pas acceptable de vider l’industrie européenne et de pousser aux délocalisations avec un prix du carbone de 200 dollars la tonne. Ce n’est pas quelque chose que la société accepterait. Il faut trouver un équilibre entre le prix du carbone et la vitalité de l’industrie.

GU : Après l’élection d’un nouveau président, les Etats-Unis pourraient instaurer un système d’échange des quotas de CO2. Quelle opportunité y voyez-vous ?
Déjà, les premiers échanges réglementés viennent de démarrer dans le cadre de la « Regional greenhouse gas initiative », qui concerne une dizaine d’états du nord-est du pays. Et si un système d’échange de quotas se met en place au niveau national, ce sera clairement un levier pour le marché du carbone. BlueNext compte bien être présent, et avec notre actionnaire Euronext NYSE, nous bénéficions d’atouts importants. Nous préparons des initiatives pour les prochains mois.

(Propos recueillis par PL)

(Photo : DR)

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