Transition énergétique : quelles priorités pour les investisseurs en 2017 ? [Compte-rendu]

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(Crédit : Cyrielle Chazal)

GreenUnivers a organisé, le mardi 10 janvier, une conférence axée sur les priorités 2017 pour les investisseurs en partenariats avec Cleantuesday. Compte-rendu ci-dessous.

Ouverture : les sujets à surveiller en 2017
Par Alexis Gazzo, associé cleantech chez EY

  • En France :

Le marché français des EnR reste attractif pour beaucoup d’investisseurs étrangers. On peut même s’attendre à l’arrivée de nouveaux entrants (utilities, fonds d’investissement), comme l’an dernier avec le chinois CGN et autres. Parallèlement, la concentration du secteur se poursuit.

La présidentielle française pourrait nuancer cela. La principale question sera celle de la place laissée par le prochain président au nucléaire et le traitement accordé aux énergies renouvelables. Les modalités des appels d’offres éolien terrestre et offshore sont encore floues et l’élection pourrait perturber l’agenda.

Les conditions de financement : la hausse prévisible des taux de financement bancaire pour les projets (+ 20/40 points de base) et la mise en place du complément de rémunération engendre un risque plus fort qui va se traduire dans le gearing des projets.
Parallèlement, on voit se développer de plus en plus de modèles de « corporate PPA » avec des entre-financeurs sur ces projets.
Enfin, le financement participatif prend de l’ampleur même s’il reste minime, en témoigne le dynamisme des plateformes de crowdfunding spécialisées.

  • A l’international :

Le Brexit au Royaume-Uni et l’élection de Donald Trump aux États-Unis pourraient ralentir le développement des EnR sans pour autant stopper la tendance.
La remontée des cours du pétrole devrait redonner des marges de manœuvre, notamment pour les projets de chaleur renouvelable (prévision World Bank à 65$/baril en 2020, BP à 70 $/baril en 2020).
Les marchés émergents confirment leur fort potentiel avec, par exemple, la concrétisation des ambitions indiennes, la poursuite des investissements chinois ou l’annonce d’importants appels d’offres en Tunisie ou en Algérie.

  • Côté filières :

Solaire et stockage sont de plus en plus compétitifs. On assiste également au développement de projets de stockage pur.
La mobilité est également à un tournant. Les épisodes de pollution dans plusieurs villes de France et à l’étranger ont pour effet de dynamiser la mobilité électrique. On ne compte aujourd’hui qu’un million de véhicules électriques sur les routes mais le sujet est décisif, en témoigne le succès de Tesla dont la capitalisation boursière vaut déjà la moitié de celle de General Motors avec seulement 85 000 véhicules électriques vendus. Le déploiement du véhicule électrique représente un business énorme pour les acteurs du BTP, un changement de paradigme en matière d’urbanisme, etc.
L’éolien offshore, en revanche, devient compliqué à prévoir. Les prix annoncés sont en très forte baisse en Europe, reste à savoir si les développeurs seront en mesure de confirmer ou non.

 

Table ronde n°1
Efficacité énergétique : enfin une opportunité pour les investisseurs ?

De gauche à droite : Lionel Le Maux, Sophie Paturle, Julien Touati, Gonzague de Trémiolles

« Les deals sur l’efficacité énergétique passent devant les EnR »
Sophie Paturle, associée fondatrice, Demeter Partners

« A la création de Demeter Partners en 2005, nous nous sommes d’abord focalisés sur la production d’énergie renouvelable. A l’époque, il n’y avait pas grand chose sur l’efficacité énergétique. Depuis trois ans, on voit que les deals sur l’efficacité énergétique passent devant les EnR, du moins en nombre. C’est devenu un domaine très important pour nous avec des investissements variés : de la prise de participation dans des start-up technologiques (Stimergy, Intent Technology, Cozynergy) au financement de rénovation de bâtiments tertiaires. Par exemple, nous avons participé à la rénovation énergétique de 19 lycées dans la région Centre ».

« Deux écueils à éviter »
Lionel Le Maux, président, Aqua

« L’efficacité énergétique consiste à remplacer une dépense – la facture d’énergie – par un investissement – la rénovation. D’un côté, le financement bancaire, historiquement bas, peut stimuler cette démarche. De l’autre, le prix de l’énergie et le prix de l’immobilier – qui sont relativement moins chers qu’en Allemagne, par exemple – n’encouragent pas la réalisation des projets. Il faut que le coût de l’énergie soit suffisamment élevé par rapport au coût d’occupation du bâtiment pour pouvoir envisager un travail dessus. Un deuxième écueil est la taille unitaire des projets, plutôt petite, qui complique la réalisation d’économies d’échelle ».

« L’enjeu : agréger des petits projets »
Julien Touati, directeur du développement corporateMeridiam

« Pour répondre à cette petite taille des projets, nous comptons beaucoup sur une innovation juridique appelée « marché de partenariats ». Cela permet à la fois d’agréger des petits projets de rénovation énergétique et de les allotir. Par exemple, on peut imaginer mettre dans un même marché-cadre 200 projets de rénovation énergétique représentant une valeur de plusieurs centaines de millions d’euros, puis les confier à un investisseur-développeur qui pourra lancer des appels d’offres lots par lots pour leur réalisation. L’avantage d’allotir les projets est de permettre aux PME locales de se positionner sur un lot en particulier, sinon il n’y a que les majors qui se positionneront ».

[…] « pour gérer la question des garanties, un modèle répandu est de marier une PME avec un très gros acteur. C’est lui qui apporte les garanties. Un deuxième modèle est d’associer ces entreprises avec des acteurs du capital-investissement. Dans ce cas, c’est l’actionnaire qui apporte les garanties ».

« Privilégier les rénovations lourdes »
Gonzague de Trémiolles, directeur de participations bâtiments durables, Omnes Capital

« Omnes aime investir dans les partenariats public-privé et aux côtés de partenaires privés surtout dans les rénovations lourdes avec un référentiel technique qui anticipe la RT2020. Nous aimons également accompagner les pionniers sur leur marché afin de garantir une vraie valeur ajoutée ».

Table ronde n°2
Infrastructures d’énergies renouvelables : la donne va-t-elle changer ?

De gauche à droite : Nicolas Rochon, Alain Desvignes, Virginie Quideau, Olivier Degos

« Viser un horizon paisible »
Alain Desvigne, directeur opérationnel, Amarenco Solar

« Amarenco vient de lever un fonds infra EnR de 200 M€, à investir dans les deux ans en France, Grande-Bretagne et Irlande. Initialement, nous comptions investir les 2/3 de cette somme en France mais ce ne sera que la moitié car les taux de retour sur investissement (TRI) vont baisser suite à la mise en place du complément de rémunération. Ils sont déjà supérieurs de 1,5 à 2 points Outre-Manche désormais.
En France, toujours, les appels d’offres solaires tels que CRE4 nous intéressent peu en raison de la forte concurrence et du risque sur le financement bancaire. Nous allons axer sur des horizons plus paisibles tels que les ZNI, les contrats de gré à gré ou des projets sous tarif T4.
[…] Il faudra bientôt prendre en compte le coût de l’agrégation dans ces projets. Notre stratégie passera soit par le rachat d’un agrégateur soit par un partenariat structurant. »

« Le sujet des taux nous préoccupe »
Nicolas Rochon, président, RGreen Invest

« RGreen Invest a investi 150 M€ en dette mezzanine sur les 18 derniers mois, à 60% en France, le reste en Italie et Portugal. Le sujet des taux bancaires, conjugué à la baisse des tarifs de rachat de l’électricité, nous préoccupe. Il y a quelque temps, les acteurs postulaient aux appels d’offres en planchant sur la baisse des taux d’ici la date de construction des projets. Pour la première fois depuis deux ans, on risque le phénomène inverse. Il va vraiment falloir redoubler d’attention car la viabilité des projets est en jeu. Sur les deux prochaines années en France, nous ne serons pas hyper positifs.

[…] RGreen prépare un troisième fonds d’investissement (FCPI, objectif 250 M€). Notre logique est d’intervenir davantage en dette en Europe du Nord et en France, car le retour en equity est extrêmement faible. Les PME avec des fonds au capital doivent donner des retours supérieurs à 10%, or c’est devenu quasiment impossible en France ».

« Accompagner la mutation des développeurs vers la production »
Olivier Degos, directeur adjoint du département transition énergétique et écologique, Caisse des Dépôts

« Avec 200 M€ sous gestion, la CDC se donne pour mission d’accompagner les acteurs des EnR dans un contexte de consolidation, notamment dans le solaire et l’éolien. La hausse des taux de financement va assainir la situation et ne se maintiendront que les acteurs engagés sur le long terme. Il y a également une mutation perceptible de ces développeurs vers la production d’énergie que nous comptons accompagner également. La question du passage d’un système énergétique basé sur le nucléaire à un système nouveau est un vrai sujet. On ne pourra pas reculer sur cette question éternellement ».

« En termes d’infras, les EnR prennent le chemin d’un retour à la normale »
Virginie Quideau, directrice, Terra Energies :

« Le fonds régional de la Nouvelle Aquitaine, Terra Énergies, a pour objet d’aider les projets locaux à sortir de terre. Le fonds dispose de 8,2 M€ à investir sur 4-5 ans. Les tickets (minoritaires) sont variables – de 150 000€ à 1,2 M€ pour des projets de 2 à 25 M€ et nos exigences en termes de TRI, entre 6 et 8%, sont plus faibles que d’autres fonds, ce qui peut parfois faire la différence. On peut aller sur des petits projets où les fonds d’investissement n’iraient pas. Nous agissons souvent comme tiers de confiance entre la banque et le porteur de projet. Par ailleurs, nous regardons sur chaque projet s’il y a possibilité de faire du financement participatif (Wiseed est sponsor du fonds).

[…] Pour nous, les nouvelles conditions de marchés relèvent plutôt d’un retour à la normale, en termes d’infrastructures. Certes, cela va générer des changements en termes d’appréciation du risque. Il faut aussi que les banques régionales apprennent à digérer ce nouveau fonctionnement, mais nous sommes peu inquiets »

Quelles stratégies sur les énergies émergentes ?

« RGreen Invest a investi dans deux champs solaires avec stockage à La Réunion avec deux opérateurs différents et un très bon retour d’expérience. Certes, le tarif d’achat était confortable (400€/MWh) mais ces projets préfigurent l’avenir. Les producteurs doivent déclarer 24h à l’avance la production qu’ils vont injecter et lisser la production au maximum. Les business plans prévoyaient que 10% de la production serait perdue (70% injectée et 20% stockée), or sur nos deux fermes, nous sommes à +7 et +11% par rapport au P50 car les producteurs anticipent très bien. Nous venons également de financer la construction en Martinique d’une ferme éolienne avec stockage (batterie Li-ion, tarif à 200€/MWh) enfin nous avons effectué notre premier investissement dans l’éolien offshore en Italie (30 MW nearshore, tarif à 200€/MWh) ».

« Amarenco est moins enclin à investir dans l’innovation. Par ailleurs, il y a eu des déceptions dans l’offshore concernant l’usure des matériels, donc nous restons essentiellement sur l’éolien et le solaire ».

« Pour la CDC, les ZNI représentent un joli laboratoire pour la transition énergétique avec des projets hydrogène, énergie thermique des mers, etc. »

(Crédit : Cyrielle Chazal)
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