Crowdfunding et transition énergétique : qui sont les prêteurs-citoyens ?

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(Crédit : Lendosphere)

* GreenUnivers a participé le 8 décembre dernier à une visite sur le chantier du futur parc éolien du Soissonnais, avec une vingtaine de prêteurs-citoyens de la plateforme Lendosphere

Marion Chagne-Fercoq (31 ans), assistante de communication à Massy. Elle s’est fixée comme objectif d’investir 150€/mois dans des projets en financement participatif.

Le zéro pointe au thermomètre et la bise est mordante ce jeudi 8 décembre sur le chantier éolien du Soissonnais, à Leury, dans l’Aisne. Il y a quelques minutes que le chauffeur du bus a rallumé le contact, prêt à quitter les lieux, mais les passagers tardent à revenir malgré le froid. Cela fait déjà deux heures qu’ils suivent à la trace le chef du chantier, François Broux, et l’assaillent de questions, dont certaines très techniques.

Les prêteurs Lendosphere par tranche d’âge

Ils sont une vingtaine, hommes et femmes de tous âges, à avoir répondu à l’invitation de Lendosphere de venir voir de près un projet qu’ils ont contribué à financer. En l’occurence, ce parc de quatre éoliennes développé par Innovent a bénéficié d’un prêt de 1,2 M€ souscrit par 500 personnes. « Ce sont des gens avertis », explique Amaury Blais, le cofondateur de Lendosphere « mais pas forcément des experts, ni des gens fortunés ». Sur 4 300 prêteurs recensés sur la plateforme, environ 20% ont des revenus annuels inférieure à 25 000€, selon lui.

Lorsqu’il répond à leurs questions par mail/téléphone, Amaury Blais confirme que « sur l’aspect financier, il y a souvent des approximations, mais au niveau technique je suis régulièrement mis en difficulté ! »

Ouarda Khelali (46 ans), comptable à Paris. Elle enquête sur chaque site avant d’investir, ce qui est plutôt rare !

Des experts du financement participatif

Pour avoir quelques lacunes en finance, ces prêteurs n’en sont pas moins experts du financement participatif, à leur manière. La grande majorité d’entre eux a déjà prêté plusieurs fois et sur plusieurs plateformes. « Blue Bees, Ulule, Unilend, credit.fr… », Marion Chagne-Fercoq a investi 2 200 euros en un an sur ces différentes plateformes après avoir expérimenté d’autres solutions « classiques » de placement pour son épargne. « J’ai déjà testé la Bourse, mais on y valorise le court terme ce qui ne me convient pas », explique-t-elle. Assis près d’elle dans le bus, Ouarda Khaleli indique avoir ouvert une assurance-vie il y a quelques années, sans convictions…

Le profit d’abord

Mounir Kessavdjee Djouma (26 ans), ingénieur en performance énergétique. Il a investi 12% de son épargne sur des plateformes de financement participatif

« L’idée c’est quand même que ça rapporte », rappelle cette comptable de profession. « D’ailleurs, si le taux du livret A n’avait pas tant baissé, je ne me serais jamais lancée sur des plateformes de financement participatif », assure-t-elle. « Moi, je le fais car ce sont mes convictions mais c’est important aussi que ça rapporte », renchérit Mounir Kessavdjee Djouma. Lui a investi près de 12% de son épargne dans des projets d’énergies renouvelables, sur Lendosphere et Wedogood. Il est aussi abonné au fournisseur d’électricité alternatif Enercoop et a travaillé comme ingénieur en performance énergétique chez Saint-Gobain ou Okavango. Bref, c’est un expert de l’énergie. Ce qui n’est pas le cas de tous les prêteurs.

Les médias prescripteurs

Jean-Louis Desselle (50 ans), professeur des écoles à Abbeville. Epargnant averti, il a testé plusieurs solutions d’épargne et prête aujourd’hui sur plusieurs plateformes de financement participatif.

Mais alors pourquoi se risquer à investir via des plateformes qui, pour beaucoup, n’ont même pas cinq ans d’existence ? Sur des thématiques pas toujours maîtrisées ? « Capital », répondent en cœur Ouarda Khelali et Jean-Louis Desselle. Le magazine économique a fait la promotion du financement participatif dans son numéro “Spécial placements 2016”.

« Les meilleures affaires, ce seront sans doute les adeptes du crowdfunding qui les feront, expliquait le journal en janvier dernier. Quant au risque, il est considérablement amoindri depuis l’annonce, début décembre, d’une nouvelle niche fiscale. Dès 2016, les pertes en capital enregistrées sur ces prêts seront en effet déductibles des intérêts perçus ».

Répartition géographique des prêteurs Lendosphere

 

Les performances font la différence

Pour un premier pas sur ces plateformes, les médias font donc clairement office de prescripteur mais pour la suite, ce sont les performances qui font la différence : Ouarda Khelali est tombée sur les statistiques de Lendopolis en faisant du repérage sur le site, « le taux d’échec m’a refroidie », assure-t-elle. Il est pourtant inférieur à 4%. Quant à Marion Chagne-Fercoq, elle a reçu ses intérêts en retard sur Blue Bees et a dû téléphoner pour avoir une explication : une prêteuse de perdue pour la plateforme.

Alexis Masson (29 ans), ingénieur oil&gaz, investit dans les EnR parce qu’il est confiant dans leur développement.

« Quand on a mis le doigt dedans… »

Malgré des déconvenues – Marion Chagne-Fercoq y a laissé quelques centaines d’euros – , tous s’accordent sur le côté addictif du financement participatif. « Quand on a mis le doigt dedans, on a du mal à s’arrêter, résume Alexis Masson (29 ans) ingénieur oil&gas au Bureau Veritas. Et il faut dire que les énergies renouvelables, avec les tarifs d’achat garantis sur 20 an, inspirent vraiment confiance ». Les chiffres le confirment : d’après le baromètre 2015 de Financement Participatif France, la contribution moyenne pour un prêt rémunéré s’élève à 426€. Sur Lendosphere elle est de 1 050€.

Nicolas de Feraudy, responsable développement de Lendopolis fait le même constat, lui qui vient de lancer une offre EnR : sur son premier prêt photovoltaïque il recense une contribution moyenne de « 250€ par personne contre 170€ sur les prêts aux PME ». Pourtant, les taux d’intérêt – de 5% en moyenne – sont plus faibles dans les EnR que dans l’immobilier participatif (jusqu’à 14%) ou le prêt aux PME (7,5%), selon Capital. Mais les prêteurs y trouvent leur compte et sont même très fidèles : 62% des prêts enregistrés sur Lendosphere proviennent de prêteurs récurrents, indique Amaury Blais. La révolution participative ne fait que commencer…

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