Start-up des cleantech : quels clés pour se développer ? [Compte-rendu]

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(Toutes les photos de ce compte-rendu sont signés Olivier Crenon)

GreenUnivers a dévoilé mardi 18 octobre les résultats de son 5e Observatoire des start-up des cleantech lors d’une conférence organisée au ministère de l’Environnement, avec le soutien de KIC InnoEnergy et des fonds d’investissement Demeter Partners et Emertec Gestion, ainsi que des associations Pexe et CleanTuesday. Pour prolonger les réflexions tirées de l’Observatoire, 8 intervenants ont débattu sur deux étapes clés dans la vie d’une jeune pousse : la levée de fonds et la commercialisation.

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Alexandra Bonnet

L’Etat dans une dynamique d’open data
Alexandra Bonnet, copilote de la Green Tech verte au Commissariat général au Développement durable, a ouvert la conférence avec une présentation de cette initiative, lancée début 2016 par Ségolène Royal et Emmanuel Macron. « La Green Tech verte s’appuie sur la fertilisation croisée entre notre réseau scientifique et technique et les start-up des cleantech », explique-t-elle. « L’Etat est dans une logique d‘open data : il met à disposition des entrepreneurs la masse de données dont il dispose afin de servir de terreau à l’innovation ».
La communauté Green Tech verte, « à la confluence du numérique et de la transition énergétique », se structure avec plus de 200 projets en incubation/gestation et 49 premières start-up sélectionnées pour intégrer l’incubateur de Champs sur Marne. Un deuxième appel à projets pour la sélection d’une nouvelle salve de sociétés vient tout juste d’être clos, les résultats seront annoncés fin novembre. Trois autres incubateurs, à Orléans, Vaux-en-Velin et Toulouse, sont attendus prochainement. Le but est de créer un réseau Green Tech verte sur tout le territoire.


Comment lever des fonds en 2017 ?

  • Quelles clés pour séduire les investisseurs ?

82% des start-up interrogées par GreenUnivers ont réalisé au moins une levée de fonds depuis leur création. Étape incontournable, la recherche n’en est pas moins complexe. « 50% des start-up qui indiquent vouloir lever des fonds en 2017, n’y parviendront pas », indique Nicolas Fraissé, business creation officer de la structure européenne KIC InnoEnergy. L’épreuve est délicate, d’une part, parce que le processus prend du temps – neuf mois en moyenne, d’après Nicolas Fraissé -, d’autre part car il faut pouvoir séduire les investisseurs.

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Nicolas Fraissé, KIC InnoEnergy

Nicolas Fraissé égraine les ingrédients du succès :
Être accompagné : le pays regorge d’incubateurs et d’accélérateurs en tout genre qui se proposent d’accompagner les start-up. KIC InnoEnergy dispose lui-même de plusieurs canaux d’accompagnement : Highway pour les jeunes pousses, Boostway pour les PME, etc. « L’entreprise soutient 30 start-up en France, pour 17 M€ levés », rappelle-t-il
Avoir une excellente équipe est évidement un atout majeur : « les start-up sont de plus en plus conscientes que les équipes forment le cœur du projet », indique Nicolas Fraissé, qui souligne l’importance d’embaucher un ou plusieurs profils de business developer pour accélérer le déploiement de l’entreprise. KIC InnoEnergy accorde une importance majeure à cet aspect : en plus de consultants extérieurs pour tester la force et la complémentarité de l’équipe, il développe actuellement un logiciel destiné à systématiser le passage en revue des équipes…
Avoir un réseau : « cela augmente de manière significative les portes d’accès aux investisseurs », commente Nicolas Fraissé. En France, KIC InnoEnergy a d’ailleurs constitué un réseau de 10 capital-risqueurs parmi lequel il introduit les start-up accompagnées.
Proposer des options de sortie aux investisseurs : « la Bourse est aujourd’hui peu considérée », note Nicolas Fraissé qui évoque la cession à des industriels comme alternative.

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  • Incubateurs ou industriels ?
Jean-Michel Amaré, Atawey
Jean-Michel Amaré, Atawey

Depuis sa création en 2012, Atawey, spécialisée dans les équipements de stockage d’énergie (batteries et hydrogène) pour sites isolés, a largement bénéficié du soutien de différents incubateurs. « Le technopole Savoie Technolac nous a accompagné dans la maturation du projet », explique Jean-Michel Amaré, son président. Avec son associé Pierre-Jean Bonnefond, ils sont devenus entrepreneurs après des années de salariat : « la formation au savoir-être a été essentielle. Il y avait des plafonds de verre à rompre », assure-t-il. De décembre 2012 à juin 2013, Atawey a reçu un accompagnement technologique auprès de Grain (GRenoble-Alpes-INcubation) avant d’intégrer l’accélérateur Highway de KIC InnoEnergy. Le soutien de ces incubateurs est également financier, ce qui aide pour les premiers pas, confie l’entrepreneur.

A côté de lui, Ondine Suavet revendique un parcours totalement différent pour Mylight Systems, spécialiste de l’autoconsommation solaire et de la gestion intelligente de l’énergie du foyer. Avant de fonder l’entreprise en 2014, elle et son frère avaient déjà eu une expérience d’entrepreneur en France pour lui et de startupeuse en Californie pour elle. Par ailleurs issus « d’une lignée d’entrepreneurs », ils ont préféré se tourner très tôt vers des industriels afin de crédibiliser leur entreprise auprès des investisseurs mais aussi d’accéder aux réseaux de distribution pour leur solution : Emphase Energy, Schneider Electric, SolarWorld, Panasonic… D’un point de vue financier, Mylight Systems a pu bénéficier du soutien de Bpifrance pour faire ses premiers pas.

  • Crowdfunding ou non ?
Ondine Suavet, Mylight Systems
Ondine Suavet, Mylight Systems

Jean-Michel Amaré et Ondine Suavet s’opposent également sur la question du recours au financement participatif. Selon l’Observatoire de GreenUnivers, 25% des start-up interrogées cette année ont eu recours à ce nouveau canal de financement (contre 6% en 2015) et 45% ne l’ont pas encore utilisé mais l’envisagent. Atawey se classe parmi les start-up qui l’ont utilisé avec succès : 400 000 euros levés auprès de 450 Wiseeders. Jean-Michel Amaré vante sa complémentarité à une collecte auprès de fonds d’investissement et son intérêt en termes de communication pour se faire connaître du plus grand nombre.

Plus modérée, Ondine Suavet souligne qu’en cas d’échec de l’opération de crowdfunding, la publicité s’avère assez négative pour l’entreprise. Mylight Systems, qui a levé 2 M€ en juin dernier, n’a donc pas opté pour le financement participatif.

  • Qui sont les startupers de 2017 ?
Mathieu Goudot, Demeter Partners
Mathieu Goudot, Demeter Partners

Parmi les pionniers des investisseurs cleantech en France, Demeter Partners prépare actuellement son deuxième fonds d’amorçage. Mathieu Goudot, directeur d’investissement de Demeter 3 Amorçage, a vu le profil des entrepreneurs des cleantech évoluer au fil des ans : « nous avons plus de startupers qui ne sont pas forcément passés par des grands groupes, un accroissement des solutions BtoC et des modèles d’économie collaborative qui permettent de casser la chaîne de valeur telle qu’on la connaît aujourd’hui », analyset-il. Parallèlement, l’investisseur note également un rapprochement des sphères cleantech et finance mais aussi cleantech et data/numérique qui transforme le secteur.

 

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Les clés pour générer du chiffre d’affaires ?

  • Techno ou client ?
à gauche : Eric Marty, Emertec Gestion a droite : Vincent Bryant, Deepki
Eric Marty, Emertec Gestion (à gauche), Vincent Bryant, Deepki

Membre du directoire d’Emertec, Eric Marty connaît parfaitement le secteur des cleantech et le délicat passage du laboratoire au marché. Pour lui, « la clé n°1 pour réussir la commercialisation de son produit ou de sa solution est de connaître son client, se mettre à sa place le plus possible. Une fois qu’on a fait ça, on est déjà à mi-parcours », assène-t-il. L’homme est souvent confronté à des profils d’entrepreneurs, souvent issus de la recherche publique, qui, trop centrés sur leur technologie, en oublient d’aller vers les clients.

Arnaud de Moissac, président fondateur de DCbrain ne peut qu’abonder. Initialement positionnée sur l’efficacité énergétique des datas centers, son entreprise utilise aujourd’hui le big data pour le pilotage et l’ingénierie des réseaux physiques (eau, électricité, gaz, vapeur, logistique…). « Ne pas avoir de conviction, toujours se remettre en cause », conclut-il.
A ses côtés, Vincent Bryant, cofondateur et président de Deepki, reprend cette conclusion à son compte. « Pendant les six premiers mois, Deepki a fait de la prestation de services en efficacité énergétique », se souvient-t-il. Depuis 12 mois, Deepki ne fait plus que vendre son logiciel d’exploitation des datas : 80 entreprises sont désormais clientes et l’entreprise compte désormais 30 collaborateurs en CDI.

Arnaud de Moissac, DCbrain
Arnaud de Moissac, DCbrain (à gauche), Gilles David, Enertime

Après neuf ans d’existence, Enertime fait désormais partie des start-up qui ont décollé. Gilles David, son fondateur, en a tiré quelques enseignements : « soigner sa visibilité, y compris sur internet car c’est une porte d’entrée vers l’international, bichonner les early adopters et les appels entrants ». L’entreprise concède avoir mis beaucoup de temps à trouver les premiers clients pour ses machines à cycle organique de Rankine (ORC), destinées à récupérer la chaleur fatale des process industriels. « Les industriels avaient peur qu’on ne soit plus là quelques années après pour garantir les pièces de rechange », plaisante-t-il. Enertime a finalement trouvé le salut auprès des collectivités, d’abord à Montpellier puis à Caen : « elles sont plus souples, présentent moins d’aversion au risque ». Les grands groupes, eux, ne sont venus vers Enertime que lorsque ses machines sont devenues « différentiantes » : « Quand le produit fait gagner le grand groupe face à son concurrent, c’est là qu’on gagne », conclut-il.

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  • Subventions ou non ?

Gilles David ne s’en cache pas, Enertime a reçu beaucoup de subventions qui lui ont servi à trouver son modèle et sa voie. A l’inverse, Deepki a choisi de ne pas en être dépendant et donc de ne jamais en demander. « On a un système en France très généreux en subventions. Certaines boîtes très techno peuvent vivre du crédit impôt recherche (CIR) et de subventions… C’est bien, mais ça peut aussi masquer le fait que la proposition de valeur est insuffisante et que la société ne parvient pas à trouver de clients. Il ne faut jamais perdre des yeux le rôle social de l’entreprise : créer de la valeur pour toutes les parties prenantes (investisseurs, clients, collaborateurs, etc) », conclut Eric Marty.

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