[Exclusif] GreenChannel vise 100 M€ de projets financés en crowdfunding

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green channelEntretien avec Mathieu Dancre, intrapreneur chez Engie, fondateur de GreenChannel –

Après Lumo, Lendosphère ou Enerfip, voici GreenChannel, la nouvelle plateforme participative dédiée au financement de la transition énergétique, en equity. Né dans le giron d’Engie, le projet prendra son envol lundi 12 octobre avec deux dossiers ouverts à la participation du public. Interview exclusive de Mathieu Dancre à l’origine de GreenChannel, qui s’intéresse aux énergies renouvelables, mais aussi à l’efficacité énergétique.

Repères :

GreenUnivers : Comment est né GreenChannel ?

Mathieu Dancre : Le projet est né au début de l’année 2014. Alors que nous réfléchissions à des façons innovantes de promouvoir et de communiquer sur les énergies renouvelables, j’ai parlé du crowdfunding, un sujet qui trottait déjà dans ma tête depuis quelque temps. Au cours de mes 18 années passées au sein de grands groupes de l’énergie, j’ai conservé un intérêt certain pour l’entrepreunariat et l’idée de lancer une plateforme de financement participatif appliquée à la transition énergétique me semblait pertinente. A l’heure où les utilities sont secouées par la décentralisation des énergies, notamment renouvelables, le crowdfunding constitue, à mon sens, un bon levier de financement alternatif pour une grande volumétrie de petits projets tout en favorisant l’acceptabilité en local.

En décembre 2014, Engie m’a proposé d’intégrer son programme d’incubation avec pour mission de générer un premier chiffre d’affaires en moins d’un an (fin 2015, NDLR). GreenChannel est aujourd’hui incubée dans le « Village » du Crédit Agricole (dont Engie est partenaire, n.d.l.r).

GreenUnivers : Vous avez « pré-lancé » GreenChannel en juin dernier, auprès des salariés d’Engie. Vous comptez en priorité sur eux pour investir via votre plateforme ?

Mathieu Dancre (crédit : via Linkedin)
Mathieu Dancre

Mathieu Dancre : GreenChannel, est un outil d’impact investing, c’est à dire qu’il répond à une approche de l’investissement qui privilégie l’impact plus que le retour financier. En ce sens, les salariés de grands groupes seront sans doute réceptifs à cette démarche, leur capacité personnelle à avoir un impact local pouvant leur paraître très limité du fait de leur appartenance à de grandes organisations internationales. GreenChannel s’adresse donc évidemment aux salariés d’Engie mais aux autres salariés de grands groupes aussi.

GreenUnivers : GreenChannel est filiale à plus de 95% d’Engie. On s’attendait donc à trouver sur la plateforme des projets exclusivement développés ou détenus par Engie, mais ce n’est pas le cas. Sur les deux premiers projets ouverts aujourd’hui, l’un appartient à Corsica Sole.

Mathieu Dancre : Pour obtenir le statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP) auprès de l’Autorité des Marchés Financiers, il a fallu démontrer notre indépendance vis à vis d’Engie, afin que les intérêts des investisseurs soient toujours garantis. C’est pourquoi nous proposerons toujours des projets développés par d’autres acteurs même si nous comptons bien entendu sur Engie pour fournir également un grand nombre de projets.

GreenUnivers : Quel est votre business model ?

Mathieu Dancre : GreenChannel se finance de plusieurs façons. Tout d’abord, avant le lancement de la campagne, nous facturons – 15 000€ HT – le travail de sélection, préparation et mise en place du projet de financement participatif. La somme fait également office de barrière à l’entrée pour les petits projets qui ne figurent pas dans notre scope. Nous souhaitons privilégier les projets conséquents avec des tranches de crowdfunding comprises entre 100 000 et 1 million d’euros. En cas de succès de la collecte, nous nous rémunérons ensuite à travers des success fees prélevés auprès du porteur de projet, mais aussi des investisseurs : 3,5% HT du montant collecté pour le porteur de projet, 1% du montant investi pour chaque investisseur.

Notre objectif est de réussir au moins 20 campagnes de financement en 2016, avec l’éventualité de connaître 4 ou 5 échecs. En 2019, nous souhaitons financer 100 millions d’euros de projets en crowdfunding.

GreenUnivers : Vous commencez avec deux projets photovoltaïques, en phase de refinancement. Les investisseurs peuvent souscrire à une dette obligataire sur 9 ans avec un taux d’intérêt de 4,5%. Quel sera le profil des projets dans le futur ?

Mathieu Dancre : Nous avons commencé par du photovoltaïque en refinancement car ce sont des projets très peu risqués pour les investisseurs. Mais à l’avenir nous soumettrons également au financement participatif des projets en cours de développement ou de construction. Les taux de rémunération sont compris entre 3 et 7% par projet et nous remboursons le capital investi dès la première année. Les investisseurs peuvent d’ailleurs simuler sur le site le calendrier et le montant de leurs remboursements en fonction de la somme investie (jusqu’à 10 000 euros pour les personnes physiques/100 000 euros pour les personnes morales, n.d.l.r).

Pour l’instant, nous privilégions la dette obligataire car l’investissement sous forme d’actions présente une structure de coût différente et nécessite de gérer la gouvernance, ce sur quoi nous n’avons pas encore travaillé. Nous concevons dans notre approche le financement participatif comme un outil innovant d’accélération du développement des technologies ayant atteint une certaine maturité, a minima industrielle, et moins comme un outil de financement de start-up positionnée sur des nouvelles technologies, plus risquées.

Concernant les secteurs adressés, il y aura évidemment des projets solaires, éoliens, hydrauliques. Nous comptons aussi proposer très rapidement des projets d’efficacité énergétique industrielle ou résidentielle.

GreenUnivers : Du financement participatif appliqué à l’efficacité énergétique, voilà qui n’existe pas encore. Quelle est votre stratégie ?

Mathieu Dancre : Les projets sont déjà un peu plus risqués, notamment parce qu’il n’y a pas de prix garanti des certificats d’économie d’énergies (CEE). L’idée serait de proposer des produits plus souples tels que des obligations à taux variables indexés sur le prix des CEE, par exemple. Pour cela, il nous faudrait obtenir un autre agrément, celui de Prestataire en services d’investissement (PSI). On pourrait d’ailleurs imaginer des produits du même type pour les installations d’énergies renouvelables, avec un taux d’intérêt indexé sur la production annuelle des parcs.

GreenUnivers : Vous visez l’Europe ?

Mathieu Dancre : Nous visons l’Europe et plus particulièrement deux pays où le financement participatif se développe bien – le Royaume-Uni et l’Allemagne. Pour cela, il nous faudra sûrement obtenir les agréments nationaux, donc cela représente un véritable effort. Malgré tout, nous pensons que sortir des frontières de l’Hexagone permettra de faire respirer la plateforme. Il ne faut pas oublier que le business case des plateformes de crowdfunding reste tendu et que la survie réside dans la massification.

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