Complément de rémunération : les points à retenir du projet de décret, par Arnaud Gossement

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Arnaud Gossement (DR)
Arnaud Gossement (DR)

Le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie vient d’engager une consultation sur le projet de décret destiné, d’une part à définir les conditions du nouveau dispositif de « complément de rémunération » pour les énergies renouvelables, d’autre part, à préciser les conditions d’accès, de conclusion et d’exécution du contrat d’achat dans le cadre du dispositif de « l’obligation d’achat ». Arnaud Gossement, avocat, docteur en droit et enseignant à l’Université Paris I, a rédigé la présente note, très synthétique, avec la vocation de mettre en lumière quelques-uns des éléments clés d’un dispositif assez complexe. 

A la suite de la création du dispositif du « complément de rémunération » par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le projet de décret précisant ses modalités était attendu. Pour mémoire, le complément de rémunération est, principalement, constitué d’une prime à l’énergie mensuelle compensée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et destinée à encourager l’accès des productions d’énergies renouvelables sur le marché de l’électricité. Et ce, de manière à assurer « une rentabilité normale des capitaux investis ».

Ce projet de décret n’a pas pour seul objet de préciser le régime juridique du contrat de complément de rémunération. Il convient de rappeler que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a également réformé le régime du contrat d’achat fondé sur un tarif d’achat fixe. La loi distingue ainsi le « contrat d’achat » du « contrat de complément de rémunération ». La présente note est consacrée au deuxième. Toutefois, l’étude détaillée des dispositions afférentes au contrat d’achat sera également indispensable. On notera ainsi le projet de supprimer le certificat ouvrant droit à l’obligation et la création (pour les deux dispositifs) d’une attestation conformité du producteur qui conditionne la prise d’effet de son contrat.

  • La coexistence de deux dispositifs de soutien

Le projet de décret confirme l’organisation de deux dispositifs. La production d’électricité pourra, soit faire l’objet d’un complément de rémunération, soit d’une rémunération par tarif d’achat fixe. Dans les deux cas, la conclusion du contrat pourra être réalisée, soit directement auprès de l’acheteur obligé, soit à la suite d’une procédure d’appel d’offres. Le producteur ne dispose généralement pas d’option mais doit s’engager dans la procédure et le dispositif qui lui est assigné par décret. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien régime de l’obligation d’achat, la liste des installations pouvant bénéficier de l’un ou l’autre dispositif est désormais fixée par décret.

L’article 1er du projet en cours de consultation précise quelles sont les installations qui pourront, sous réserve du respect de plusieurs conditions, faire l’objet d’un complément de rémunération au terme d’une procédure « guichet ouvert », telle que prévue à l’article L.314-18 du code de l’énergie. On citera notamment les installations de production d’hydroélectricité de puissance installée inférieure ou égale à 1 MW, certaines installations de traitement thermique des déchets, certaines installations utilisant le biogaz (méthanisation d’eaux usées ou stockage de déchets non dangereux), les installations utilisant à titre principal l’énergie extraite de gîtes géothermiques, certaines installations de cogénération. On notera que les installations d’énergie éolienne ou solaire ne sont pas, à ce stade, éligibles au complément de rémunération en « guichet ouvert ». Toutefois, pour le solaire, principalement, tel pourra être le cas, soit, si l’Etat en décide ainsi, au terme d’une procédure d’appel d’offres, soit si le producteur décide de résilier son contrat d’achat fondé sur un tarif d’achat pour passer à contrat de complément de rémunération. Dans ce cas l’article 18 du projet de décret prévoit que l’installation n’est pas soumise à des indemnités de résiliation.

Pour connaître la liste des installations restant éligibles au contrat avec tarif d’achat fixe selon la procédure du « guichet ouvert », il convient de se reporter à l’article 42 du projet de décret. On notera que les éoliennes terrestres sont éligibles sans limite de puissance. On notera également que les installations solaires photovoltaïques le sont mais jusqu’à 100 kilowatts de puissance installée. Au-delà, ces installations relèveront de la seule procédure d’appels d’offres. De manière générale, le solaire apparaît généralement soumis à la procédure d’appels d’offres dont on connaît également les limites, notamment en termes de prévisibilité.

  • La conclusion du contrat de complément de rémunération

EDF dispose d’un délai de trois mois pour proposer ce contrat à tout producteur présentant un dossier complet et dont l’installation est éligible. Conclu pour une durée maximale de vingt ans, ce contrat prend effet à compter de l’accomplissement d’une nouvelle formalité : le producteur doit remettre à EDF une « attestation de conformité » de son installation aux termes de sa demande de contrat et aux prescriptions fixées par les arrêtés tarifaires par filière. A noter : le projet de décret prévoit clairement que le contrat de complément de rémunération peut être cédé à un autre producteur à la suite de la signature d’un avenant au contrat initial.

  • Le calcul du complément de rémunération

Le complément de rémunération est constitué d’une prime versée mensuellement et régularisée annuellement destinée à compenser l’écart entre un « tarif d’achat de référence » et un « prix de marché de référence ». Le tarif d’achat de référence est fixé par arrêté et « est basé sur les coûts d’investissement et d’exploitation moyens d’une installation performante et représentative de la filière considérée » (article 30 du projet de décret). Le prix de marché de référence » est également fixé par arrêté et correspond « sur le pas de temps i comme la moyenne des prix positifs et nuls constatés sur la plateforme de marché organisé français de l’électricité pour livraison le lendemain, éventuellement pondérée en fonction de la production de cette filière au pas horaire » (article 31 du projet de décret).

Le complément de rémunération est augmenté d’une « prime de gestion » représentative des coûts supportés par le producteur pour valoriser sa production sur les marchés de l’énergie et de capacité (article 34). Il est toutefois diminué de la valorisation des garanties de capacité au titre d’une année de livraison donnée (article 33).

  • La facturation du complément de rémunération

Le producteur devra établir deux factures à EDF. En premier lieu, le producteur facture la prime à l’énergie mensuelle à EDF sur la base d’éléments publiés par la Commission de régulation de l’énergie et transmis par EDF. Le montant de la prime à l’énergie mensuelle peut être plafonné par arrêté. En deuxième lieu, le producteur calcule sur la base d’éléments transmis par EDF et facture pour l’année civile écoulée, la prime de gestion, augmentée ou diminuée de la régularisation annuelle de la prime à l’énergie mensuelle et diminuée de la valorisation des garanties de capacité.

A noter, le projet de décret envisage le cas où le prime à l’énergie mensuelle est négative. Le producteur est alors redevable de cette somme dans la limite des totaux perçus depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération. Les factures adressées à EDF sont payées dans un délai de trente jours. Au-delà, des intérêts de retard sont dus.

  • L’exécution du contrat de complément de rémunération

Les conditions générales d’exécution de ce contrat sont proches de celles applicables aux contrats d’achat avec un tarif d’achat fixe. Il convient de noter que le producteur peut demander des modifications de sa demande de contrat mais aussi du contrat, avant achèvement, notamment pour signaler un changement de producteur. Le contrat peut être suspendu par EDF, sans prolongation de la durée totale du contrat, dans les cas listés à l’article 13 du projet de décret, en cas de non-respect par le producteur des dispositions de son contrat ou en cas d’absence de notification à EDF de modifications du projet. Il convient de distinguer la suspension de l’exécution du contrat de celle du dispositif du complément de rémunération lui-même, lequel peut être suspendu, totalement ou partiellement, et ainsi le droit au complément de rémunération. La résiliation du contrat est également possible sur injonction de l’autorité administrative ou sur décision de justice.

Le producteur peut, pour sa part, renoncer au contrat mais cela impose le règlement d’indemnités qui sont égales aux sommes actualisées perçues et versées au titre du complément de rémunération depuis la date de prise d’effet du contrat jusqu’à sa résiliation. Enfin, l’article 18 du projet de décret retient l’attention. Le contrat de complément de rémunération étant un contrat de droit administratif comme le contrat d’obligation d’achat, sa résiliation peut entraîner le versement d’indemnités par le producteur. Toutefois, à certaines conditions, le producteur signataire d’un contrat d’achat peut le résilier par anticipation et sans indemnités de résiliation lorsqu’il décide de passer à un à contrat de complément de rémunération. Lequel est alors conclut sur la période restant à courir du contrat d’achat initial. A noter, l’article 19 du projet de décret prévoit aussi la possibilité de passer d’un contrat d’achat à un contrat de complément de rémunération pour une installation dont les coûts de fonctionnement demeurent supérieurs au prix du marché.

  • Le contrôle des installations.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a conféré une valeur législative à plusieurs mesures de nature à assurer le contrôle de l’exécution du contrat, notamment du contrat de complément de rémunération. Elle a également précisé le régime de sanctions administratives et pénales applicables. L’article L.314-25 du code de l’énergie, dans la rédaction issue de l’article 104 de cette loi, dispose que les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération peuvent être soumises à un contrôle lors de leur mise en service ainsi qu’à des « contrôles périodiques permettant de s’assurer que ces installations ont été construites ou fonctionnent dans les conditions requises par la réglementation ou par le contrat de complément de rémunération. Ces contrôles sont effectués aux frais du producteur par des organismes agréés. ».

Le projet de décret précise que le producteur doit réaliser ces contrôles périodiques à la demande du préfet de département. Il tient à sa disposition « les documents relatifs aux caractéristiques de l’installation, à ses performances et aux résultats de ces contrôles ainsi que ceux des autres contrôles réalisés sur l’installation le cas échéant ». Le producteur doit également autoriser la mise à disposition d’EDF les données de comptage du gestionnaire de réseau. Le producteur signataire d’un contrat de complément de rémunération ne peut bénéficier de garanties d’origine. Enfin, le producteur transmet chaque année à la Commission de régulation de l’énergie le détail des coûts relatifs à son installation dans les conditions et dans un format défini par celle-ci.

  • Conclusion

Verre à moitié plein : l’Etat confirme son engagement à soutenir le développement des énergies renouvelables en leur assurant un soutien au moyen d’une rémunération aidée. Verre à moitié vide : l’Etat met en place deux régimes qui restent marqués par une certaine complexité, laquelle appelle de la part des producteurs et de leurs conseils une expertise assez fine, non seulement du droit de l’énergie mais aussi de son économie. Le dispositif du complément de rémunération se caractérise par la complexité de son calcul et la délicate prévisibilité de son produit, a fortiori pour des producteurs non spécialistes. Ce dispositif se caractérise aussi par le devoir du producteur de procéder, tout au long de la durée de fonctionnement de son installation à un formalisme assez important, tant pour la facturation de l’électricité que pour le suivi des contrôles et la transmission d’informations à plusieurs autorités : préfet de département, EDF et Commission de régulation de l’énergie. Un formalisme qui pourra faire hésiter des particuliers.

En toute hypothèse, il est encore trop tôt pour évaluer l’intérêt économique du complément de rémunération. A la suite de la publication du décret, il conviendra d’attendre, non seulement les arrêtés tarifaires – notamment pour appréhender le tarif d’achat de référence – mais aussi le modèle de contrat de complément et les futurs cahiers des charges des appels d’offres pouvant ouvrir droit à complément de rémunération. Le décret objet de la présente note n’est donc qu’un élément d’un cadre juridique plus vaste en cours de construction.

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