Alstom attaque le solaire CPV, Soitec veut en profiter

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(Source : Soitec, Alstom)
(Source : Soitec, Alstom)

De prime abord, le photovoltaïque à concentration (CPV) n’est pas un marché où Alstom était attendu. D’ailleurs, en février dernier, lors d’une présentation de sa branche Renewable Power à des analystes (PDF), le groupe n’évoquait pas cette technologie parmi ses choix stratégiques. Mais ses activités dans les énergies renouvelables (hydroélectricité, éolien terrestre et en mer, biomasse, solaire thermodynamique à concentration, énergies marines) sont en train de décoller, alors que ses métiers historiques sur les centrales thermiques et le transport souffrent du contexte économique difficile.

Le solaire CPV apparaît donc comme une opportunité à saisir, un marché jugé “en devenir, qui doit se développer”. Alstom, qui se positionne comme constructeur de centrales clé en main, cherche une première expérience en France, avant de transformer peut-être l’essai dans les pays ensoleillés de la Sunbelt, où le CPV est appelé à croître.

Pour mener à bien cette stratégie, Alstom va faire équipe avec Soitec, qui possède l’une des technologies de photovoltaïque à concentration parmi les plus en pointe du monde. Les deux entreprises annoncent répondre ensemble à un appel d’offres solaire en cours (jusqu’au 16 septembre prochain) piloté par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui ouvre plusieurs dizaines de MW de CPV. “C’est un accord de coopération technique”, a précisé un porte-parole d’Alstom à GreenUnivers.

Performance des renouvelables chez Alstom

Le groupe vient de publier ses résultats pour la période d’avril à juin (1er trimestre de son exercice fiscal 2013-2014). Son activité Renewable Power a enregistré 411 M€ de chiffre d’affaires (sur un CA global de 4,58 Mds€), en hausse de 8% par rapport à la même période de l’année dernière. L’activité a par ailleurs engrangé 527 M€ de commandes, soit le double de son 1er trimestre 2012-2013.

Les renouvelables sont particulièrement dynamiques par rapport à ses activités Thermal Power (baisse de 4% des recettes à 1,9 Md€ et de 38% des commandes à 1,55 Md€) et Transport (baisse de 6% des recettes à 1,3 Md€ et chute des commandes). Son activité Grid résiste avec une hausse de 5% des recettes à 915 M€ mais une diminution des commandes.

Le marché français visé

L’État souhaite faire des appels d’offres un tremplin pour la filière industrielle solaire nationale. Il y a un an, Soitec a déjà gagné plusieurs projets sur un précédent appel d’offres de la CRE. Si l’entreprise, qui vient de lever des fonds, cherche à transformer l’essai, Alstom affiche clairement sa volonté de monter dans le train et peut apporter sa puissance industrielle. Leur rapprochement est donc logique et peut séduire l’Etat désireux de pousser des champions tricolores.

La compétition pour l’appel d’offres se jouera avec la start-up lyonnaise Heliotrop, prometteuse sur les technologies CPV, qui a déjà remporté 29 MW de projets dans l’Hexagone l’été dernier et vise 50 % du volume CPV de l’appel d’offres CRE en cours. Un combat de David contre Goliath, mais avec des arguments industriels de chaque côté : Heliotrop assemble ses modules en France alors que Soitec produit principalement en Allemagne, avec un pôle R&D dans l’Hexagone.

Une soixantaine de MW en jeu

D’ailleurs, Soitec et Alstom font la promotion de leur alliance comme “une coopération pour la création d’une filière française du photovoltaïque à concentration.” Pour l’instant, Alstom indique qu’il est trop tôt pour donner des détails, tout en précisant que la création d’une filière nationale passerait d’abord par un réseau de sous-traitants basés au plus près des projets.

“L’appel d’offres de la CRE concerne environ 100 MW d’électricité dont 20% des projets seraient entièrement en CPV, le reste étant partagé entre CPV et photovoltaïque. Soit environ 60 MW de CPV au total”, commente Alstom. (…) “Si nos ambitions se concrétisent sur le marché français et que d’autres marchés à l’international venaient à s’ouvrir, nous pourrions par la suite élargir le cadre de notre accord avec Soitec.”

Une rupture stratégique pour Alstom ?

Jusqu’à présent, la stratégie d’Alstom sur les énergies renouvelables respectait plusieurs critères : être un fournisseur d’équipements de pointe, développer des synergies technologiques avec ses métiers historiques (Thermal Power, Grid), et faire des acquisitions technologiques si nécessaire (Ecotecnia, Tidal Generation, BrightSource).

Le groupe vise tout le spectre des énergies renouvelables, mais a toujours exclu le photovoltaïque classique, une énergie non mécanique, dominée par les industriels asiatiques, où peu de complémentarités stratégiques avec son coeur de métier sont à explorer. Pourquoi s’intéresser aujourd’hui au photovoltaïque à concentration, une énergie non mécanique, abstraction faite du système de trackers indispensable à toute centrale CPV ? Or Alstom ne vise ni les trackers ni le cœur de la technologie CPV.

Faire du clé en main, sans contrôler le cœur technologique

“Alstom possède une expertise centenaire en ce qui concerne l’installation de projets de centrales électriques clé en main : installation, montage, démontage, maintenance et raccordement au réseau grâce à l’expertise d’Alstom Grid, notre secteur pour la transmission d’électricité. D’autre part, il s’agit de proposer une offre complémentaire à notre offre dans le solaire thermique, sur un segment de marché en développement”, indique simplement le groupe. En d’autres termes, il veut offrir des services proches de l’EPC (engineering, procurement and construction) tout en renforçant son portefeuille d’offres solaires.

Une explication qui prend tout son sens sur un marché du CPV fait uniquement de grandes et très grandes centrales au sol, octroyées de plus en plus dans le cadre d’appels d’offres internationaux. Deux domaines où Alstom possède une réelle expertise.

Une puissante alliance pour Soitec ?

Pour Soitec, l’apport d’Alstom apparait considérable. Depuis fin 2009 et son entrée sur le marché solaire via l’acquisition de l’allemand Concentrix, Soitec a su nouer habillement des partenariats. C’est le cas avec avec Schneider Electric, qui appuie techniquement un parc de 44 MW en cours de construction en Afrique du Sud.

Soitec veut devenir un champion de la technologie CPV, mais a besoin d’alliés sur le front de l’ingénierie électrique, sur le montage de grandes centrales de production et pour répondre à des grands appels à concurrence. Son couple avec Alstom est donc très complémentaire.

Après plus de trois ans de développement, et une capacité financière désormais limitée, Soitec a démarré fortement sur le photovoltaïque à concentration, où l’entreprise prévoit de passer de 6 à 300 M€ de chiffre d’affaires d’ici à 2015. Mais le groupe doit gérer cette croissance folle. L’arrivée d’acteurs de la taille de Schneider Electric et Alstom à ses côtés est un signal positif.

 

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