Ecomobilité : plus qu’une mode, un vrai business

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L’écomobilité s’installe durablement dans le paysage français. Fini les initiatives bricolées dans un garage ou les projets amateurs, le secteur se professionnalise, attirant les investissements et les entreprises historiques du transport. Les investissements et les levées de fonds se multiplient depuis deux ans sur toute une gamme de segments de marché : autopartage, locations de véhicules entre particuliers, location, covoiturage, transports doux, logistique du dernier kilomètre, etc. A l’heure du pétrole durablement cher et de la crise économique, les solutions économes de déplacement ont la cote. Et le gouvernement a récemment conforté ce jeune marché en annonçant vouloir rompre avec le tout pétrole dans les transports… Les feux de l’écomobilité sont donc au vert. Mais le business est-il pour autant rentable ?

Pour répondre à cette question, GreenUnivers a réuni, le 25 septembre, des dirigeants du fonds Ecomobilié Ventures et d’entreprises (Bolloré-Autolib’, Citroën, IBM France, Geodis, BlaBlaCar, Zilok et Carbox) avec le cabinet Grant Thornton chez Nyse Euronext à Paris. Si la rentabilité n’est pas encore d’actualité, son horizon se rapproche. Une majorité de solutions pourrait atteindre l’équilibre opérationnel d’ici le milieu de la décennie. GreenUnivers vous propose une synthèse des interventions de cet événement organisé dans le cadre de nos conférences sectorielles.

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Fabienne Herlaut, Managing Partner du Fonds Ecomobilité Ventures

“Le marché de l’écomobilité est sorti de l’ère du tâtonnement”

Crise économique et financière, hausse des prix du pétrole ou encore congestion du trafic routier sont autant de défis qui imposent aujourd’hui une mobilité plus économique et efficace. Le covoiturage et l’autopartage ne sont que quelques pistes parmi tous les services et technologies conçus, ou à concevoir, pour rendre le transport plus vertueux.

“Le marché est désormais sorti de l’ère du tâtonnement et les business modèles sont plus solides”, assure Fabienne Herlaut, à la tête du fonds d’investissement Ecomobilité Ventures. En revanche, “il y a aujourd’hui trop d’acteurs sur ces segments de marché. La rentabilité viendra de la massification et de la consolidation du secteur”. Les services d’écomobilité ont besoin d’atteindre une taille critique et des acteurs d’envergure nationale ou européenne doivent émerger. Toutes les solutions de mobilité sont disponibles aujourd’hui. Demain, indique Fabienne Herlaut, “elles convergeront vers une place de marché unique, où il sera possible d’acheter une place de voiture, comme on réserve un billet de train ou d’avion.”

La typologie des acteurs évolue : si les start-up proposent des solutions de rupture, des leaders industriels entrent sur le marché (groupes de l’énergie, du BTP, SSII). Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle de plus en plus important. La question clé est de savoir qui sera demain l’intégrateur des différentes briques qui constituent l’écomobilité.

En attendant , les besoins en financement sont importants et augmentent, note enfin la dirigeante du fonds. Lancé il y a seulement neuf mois, Ecomobilité Ventures a déjà reçu 330 projets pour un besoin de financement total de 130 M€. Soit bien supérieur à la taille du fonds de 30 M€, positionné sur des tickets de 1 à 4 M€. Ecomobilité Ventures annoncera début octobre prochain ses trois premiers investissements.

Pour aller plus loin, téléchargez La présentation complète de Fabienne Herlaut (PDF) et La Synthèse (PDF).

Marc Claverie, Associé Transaction Advisory Services, responsable cleantech de GrantThornton

“L’autopartage passera de 50 à 500 millions de véhicules d’ici à 2020”

A en croire Marc Claverie, responsable Cleantech de la société de consulting GrantThornton, le marché mondial de l’autopartage devrait connaître une croissance exponentielle dans les dix prochaines années. Détaillant une étude de Frost and Sullivan, il souligne que “l’autopartage, qui compte aujourd’hui environ 50 millions de véhicules dans le monde, en aura dix fois plus en 2020 ! Et le nombre de membres passera de 4 millions en 2012 à plus de 30 millions en 2020, soit une multiplication par six.”

L’Europe est pour l’instant le marché le plus porteur avec près de 700.000 membres. Ils seront 15 millions en 2020. Le marché se consolide et la plupart des pays européens manifestent un soutien politique important. De ce point de vue, la France est particulièrement bien placée. A titre d’exemple, la Ville de Paris a versé une aide de 35 millions d’euros pour déployer le service Autolib’, en passe de devenir une véritable marque de fabrique.

Les équipementiers automobiles ont décidé d’exploiter le potentiel de ce marché en lançant leurs propres services : Car2Go pour Daimler AG, DriveNow lancé par BMW en collaboration avec le loueur Sixt ou encore GoCar proposé par Ford en Irlande.

Les États-Unis ne sont pas en reste. Entre 2007 et 2009, le nombre d’adeptes de l’autopartage y a augmenté de 117%, atteignant 377.600. En 2016, il devrait dépasser les 4 millions.

Les levées de fonds sont aussi de plus en plus importantes : en août 2012, Getaround, service de covoiturage, a levé 13,9 millions de dollars pour son premier tour de table. Du même ordre, Wheelz, sur l’autopartage ciblant les étudiants, a collecté 13,7 millions de dollars en février dernier. Un niveau jamais atteint jusqu’à présent sur ce jeune secteur.

Sur ce marché fleurissant de l’autopartage, les véhicules électriques devraient trouver une bonne place. En 2016, un véhicule en autopartage sur cinq devrait être électrique. Et un sur trois à l’horizon 2020.

Pour aller plus loin, téléchargez La présentation de Marc Claverie (PDF)

Cédric Bolloré, directeur des activités industrielles du groupe Bolloré (Autolib’)

“Sur la tendance actuelle d’Autolib’, l’équilibre d’exploitation sera atteint d’ici à 2014-2015”

Les voyants d’Autolib’ sont tous au vert : « Nous avons 36.000 abonnés à ce jour, dont plus de 13.000 actifs. Et sur ce dernier chiffre, 12.000 personnes sont des abonnés annuels. Nous sommes sur une tendance qui devrait nous conduire vers 20.000 abonnés d’ici la fin de l’année », dévoile Cédric Bolloré. Et 500 personnes rejoignent le service par jour !

Le service a dépassé le cap des 500.000 locations la semaine dernière. Et le rythme est de 4.000 à 5.000 locations par jour, avec un pic le week-end. Le réseau comprend aujourd’hui une flotte de 1.740 voitures et 3.000 points de recharge. Et si 670 stations sont déjà déployées, 300 à 400 vont être installées dans les prochains mois, en particulier dans des parkings souterrains.

Sur le front de la rentabilité, le dirigeant a le sourire : “Sur la tendance actuelle, nous devrions atteindre l’équilibre d’exploitation plus tôt que prévu, vers 2014-2015. Le business plan initial prévoyait 2016-2017. En termes de rentabilité, Autolib’ doit être rentable avant la fin des 10 à 12 ans de la délégation de service public. Les bénéfices seront partagés à parité entre le groupe Bolloré et le Syndicat mixte Autolib’, comme prévu”, poursuit Cédric Bolloré.

Le groupe Bolloré espère exporter le modèle Autolib’ dans des villes étrangères. Des discussions sont en cours mais rien n’a été signé pour l’instant et Cédric Bolloré estime que “ce sera sans doute plus lent qu’à Paris”. Enfin, concernant le litige sur le nom même d’Autolib’ qui oppose la Ville de Paris et le loueur Europcar (dépositaire de la marque AutoLiberté), Cédric Bolloré souligne que s’il faut changer de nom, “nous le ferons même si ce ne sera pas très pratique, mais cela n’enlèvera rien au succès”. Des discussions sont en cours entre les parties et, en attendant, il préfère se montrer philosophe, citant Lao Tseu : “Le nom n’est pas la chose”…

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Frédéric Mazzella, président fondateur de BlaBlaCar

“Le covoiturage est rentable en France”

Le covoiturage a la cote en France ! Covoiturage.fr, le site leader développé par la société BlaBlaCar, totalise près de 2,5 millions d’abonnés et plus de 2 milliards de kilomètres partagés. “La fréquentation du site double chaque année depuis 5 ans”, explique Frédéric Mazzella.

Véritable tendance ou bon plan en temps de crise ? Difficile de mesurer exactement le pourquoi du comment de ce succès, ce qui est sûr c’est que le covoiturage permet de réduire significativement le coût d’un trajet en voiture (puisque les passagers partagent les frais) mais aussi de diminuer le trafic routier, et donc l’impact environnemental.

BlaBlaCar est parvenu à mettre en place un modèle économique qui fonctionne pour tirer profit de cette tendance. La société a atteint la rentabilité opérationnelle dans l’Hexagone en mettant en place un système de paiement en ligne en amont du voyage. BlaBlaCar empoche 10% sur chacune des transactions. Auparavant, le site était gratuit et les voyageurs se donnaient l’argent directement. Plus sophistiqué, le service s’est aussi professionnalisé.

En France, le covoiturage commence à atteindre une taille critique. BlaBlaCar compte percer les marchés voisins – Italie, Angleterre, Espagne… En effet, le covoiturage reste encore peu développé ailleurs en Europe, sauf en Allemagne, pays pionnier.

Marion Carrette, fondatrice de Zilok

“Une voiture coûte 6.000 € par an et dort 95% du temps. La louer, c’est la rentabiliser”

De tous les objets loués entre particuliers sur le site Zilok.com, la voiture est rapidement devenue le bien le plus partagé. A tel point que la société a lancé début 2012 un site dédié aux véhicules, Zilokauto. Il compte aujourd’hui une flotte de 4.000 voitures dans toute la France, à louer entre 20 et 35 € par jour, soit 30% moins cher que chez un loueur professionnel.

“Une voiture dort 95% du temps”, rappelle Marion Carrette, “et même pendant ce temps, elle coûte de l’argent : garage, assurance, maintenance, etc.” Aujourd’hui, le coût de possession d’une voiture est en effet estimé à 6.200€ par an, et ce montant augmente chaque année. “La louer, c’est la rentabiliser”.

Profitable pour les propriétaires et pour les locataires, le modèle rapporte également à Zilok puisque la société prend une commission de 30% sur chaque location et compte ainsi atteindre la rentabilité d’ici deux ans, soit à l’horizon 2014.

Trouver un assureur prêt à suivre le projet s’est avéré difficile pour Zilokauto.com, qui a mis près de deux ans à trouver un partenaire (MMA). Pourtant, Marion Carrette assure dénombrer moins de dommages sur les voitures que les loueurs professionnels. “Lorsque c’est le propriétaire qui vous remet la clé de sa voiture, vous vous sentez beaucoup plus responsable”, assure-t-elle.

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Sylvaine Maury, responsable Innovation et Marketing Services et Digital Citroën

“Multicity est un laboratoire de mobilité… Rentable à l’horizon 2014”

Multicity est un site Internet agrégeant différentes solutions de mobilité, du rail au covoiturage et à la location de véhicules. Signée Citroën, la plateforme a été lancée en 2011 et intègre des offres commercialisées par des start-up telles que Zilok pour la location de voitures entre particuliers ou BlaBlaCar pour le covoiturage. En septembre dernier, elle a trouvé la Deutsche Bahn et le loueur Sixt comme partenaires, par exemple, pour se positionner en Allemagne. Le Royaume-Uni pourrait être la prochaine cible, avant la Chine, à plus long terme.

Mais la voiture, coeur de métier de Citröen, garde une place centrale. Après un an de développement, “nous nous sommes rendus compte que nous avions une véritable légitimité sur les services de mobilité autour de l’automobile”, explique Sylvaine Maury.

“Nous avons prétention à être un laboratoire de la mobilité”, ajoute la dirigeante, “même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions”. Sorte de “start-up dans un grand groupe”, Multicity vise la rentabilité d’ici à 2014.

Si l’idée de cette plateforme est aussi de développer une nouvelle relation entre Citroën et ses clients, en interne, quelques voix s’élèvent pour protester contre cette promotion de modes de déplacements qui concurrencent les voitures individuelles commercialisées par la marque, concède Sylvaine Maury. Mais, “les modes de déplacements alternatifs représentent un marché complémentaire mais pas concurrentiel avec la voiture”, assure-t-elle.

Emmanuelle Katz, directrice marketing de Carbox

“L’autopartage en entreprise, une alternative rentable à la voiture de fonction”

Un employé = une voiture de service ? C’est cher et pas toujours nécessaire. D’où le succès remporté par Carbox, start-up spécialisée dans l’autopartage en entreprise. Lancée il y a 4 ans, Carbox emploie 15 personnes pour un chiffre d’affaires d’1,5 M€. Les véhicules partagés appartiennent à l’entreprise cliente et Carbox ne fait qu’en gérer l’usage, ce qui réduit les dépenses. Et facilite la rentabilité de son modèle. Petit plus, les employés des entreprises clientes peuvent louer les véhicules pour des usages privés, le week end par exemple. Le chiffre d’affaires concerné est ensuite partagé entre l’entreprise et Carbox.

Carbox gère actuellement 350 véhicules pour le compte d’une vingtaine de grands comptes. Et la start-up développe des solutions pour en finir avec la voiture de fonction : elle a conçu une plateforme multimodale en collaboration avec la SNCF, Europcar et des sociétés de taxis. La plateforme s’appuie sur un système de crédits mobilités : le salarié bénéficiaire peut utiliser son crédit en mixant différentes offres de service de mobilité (trains, taxis, location de voiture, etc).

Après cette phase d’investissement pur, Carbox espère atteindre une rentabilité opérationnelle avant 2014. Depuis sa création, Carbox a vu la taille de la flotte de voitures de ses projets croître considérablement : “de 4 à 5 voitures pour une première mise en place, nous sommes passés à des projets de 40 à 50 voitures”, note Emmanuelle Katz. La société envisage un développement à l’international, dans le nord de l’Europe et en Allemagne.

Jean-Michel Genestier, directeur général adjoint de Geodis

“L’acheminement durable de marchandises sera à l’équilibre grâce à la massification »

Geodis, filiale de la SNCF, développe une offre logistique écologique de distribution de marchandises, avec notamment Distripolis, un service lancé en juin 2011 pour l’acheminement sur le dernier kilomètre. Pour l’instant, elle représente des recettes minimes (50 M€) par rapport au chiffre d’affaires du groupe (10 Mds€). Mais la machine est lancée.

D’abord lancé à Paris, Distripolis a été ensuite développé à Strasbourg, Lille, Bordeaux et Versailles. Pour réaliser la livraison du dernier kilomètre, cette approche mobilise des utilitaires électriques et des triporteurs à assistance électrique. Pour réduire l’impact environnemental, Distripolise mise également sur la mutualisation des marchandises de différents chargeurs. “Pour l’instant, cela entraîne des coûts plus élevés mais nous n’augmentons pas nos tarifs et espérons trouver l’équilibre grâce à la massification”, a expliqué Jean-Michel Genestier.

“L’engagement des collectivités pourrait également nous aider à gagner plus vite en rentabilité”, a indiqué le dirigeant. Mais la réglementation concernant le transport de marchandises en ville n’est pas uniformisée entre les communes (autorisations de circuler à des heures différents, par exemple) ce qui entrave l’efficacité des livraisons mutualisées.

Philippe Sajhau, VP en charge du programme “Smarter Cities” d’IBM France

“Les collectivités sont en train de se tourner vers les technologies favorisant l’écomobilité”

IBM est un expert de la gestion des données et une société de services. “Nous n’avons pas vocation à nous substituer aux opérateurs de transport. Notre objectif est de les aider à compléter leurs offres pour tendre vers un service complet”, précise d’emblée Philippe Sajhau.

Deux objectifs animent la vision du groupe américain sur la mobilité du futur : le temps réel et la prédictibilité. Deux tendances de fonds qui peuvent avoir du sens sur la gestion de flotte de bus, de taxis, de véhicules partagés, etc. “Les technologies permettent aujourd’hui de recevoir des volumes de données sans limite”, explique Philippe Sajhau. Mais deux freins sont à lever : l’accès à l’information et le traitement de l’information. Deux points où IBM souhaite apporter des réponses.

Plusieurs projets sont cités par le dirigeant, comme le péage urbain intelligent de Stockholm, qui modifie les prix d’accès en fonction de l’heure de passage. “Deux référendums auprès de la population sur ce système ont montré qu’une majorité des habitants voulait continuer”, indique Philippe Sajhau. La population était pourtant hostile au péage avant sa mise en oeuvre. Aujourd’hui, les résultats semblent concrets : baisse de 50% du temps de déplacement en voiture, de 12% du trafic automobile et augmentation de 40.000 personnes utilisant les transports en commun, énumère Philippe Sajhau.

Autre exemple, le projet entre IBM et Veolia Transdev pour fluidifier les déplacements. “Nous allons sortir une offre début 2013 reposant sur la technologie issue de ce projet”, continue le dirigeant. Et Philippe Sajhau termine sur la situation en France : “Nous observons un basculement des élus vers la technologie. Il y a cinq, une majorité d’entre eux y était réfractaire, ce n’est plus la cas. Les élus comptent sur la technologie pour trouver des solutions”.

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