Tarifs d’achat solaire : comment s’adapter à la nouvelle règle du jeu ?

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Le Gouvernement vient de fixer, par communiqué de presse, les critères de définition des tarifs applicables à l’achat d’énergie solaire. Pour Me Arnaud Gossement, avocat associé-docteur en droit et Adrien Fourmon, avocat collaborateur au cabinet Huglo-Lepage, les opérateurs ne doivent pas simplement réfléchir à des recours mais s’adapter à la nouvelle règle du jeu.

Les nouveaux critères

Le communiqué de presse du 17 février 2010 précise que pourront bénéficier des tarifs 2006 :

1° les installations pour lesquelles une demande de contrat d’achat a été formulée avant le 1er novembre 2009 ;

2° Les installations de puissance inférieure à 36 kWc (soit 360m² de panneaux) pour lesquels une demande de contrat d’achat a été formulée avant le 11 janvier 2010 ;

3° Les installations de puissance comprise entre 36 et 250kWc (soit 2500m² de panneaux) pour lesquelles une demande de contrat d’achat et une demande complète de raccordement ont été formulées avant le 11 janvier 2010 ;

4° les installations de puissance comprise entre 36 et 250 kWc pour lesquels une demande de contrat d’achat a été formulée avant le 11 janvier 2010 et qui remplissent plusieurs conditions dont certaines devront faire l’objet d’une attestation préfectorale.

Quels recours ?

La gestion ministérielle du passage des tarifs 2006 aux tarifs 2010 a été surprenante. La nouvelle règle a été annoncée puis modifiée par communiqués de presse et le dispositif dans son ensemble est d’une réelle complexité : arrêtés du 12 janvier 2010, arrêté du 15 janvier, communiqués de presse du 13 janvier et du 17 février… A cette complexité s’ajoute une situation d’incertitude qui aura eu des conséquences économiques pour nombre d’opérateurs de la filière solaire. Enfin, les nouveaux critères de définition des tarifs applicables ne sont pas toujours très précis et nombre de questions restent en suspens. Le Ministère créé de plus une nouvelle procédure d’attestation des projets devant le Préfet de département qui pourra poser à son tour de nouvelles questions, voire problèmes.

Certains opérateurs réfléchissent à l’intérêt de recours contre lesdits arrêtés et communiqués de presse. Il convient de rappeler ici que seul le Juge administratif serait seul compétent pour contrôler la légalité de ces textes. Le contrôle de la légalité de ces actes administratifs est notamment un préalable à l’examen de la légalité des refus de contrats d’achats qui seront opposés par l’autorité titulaire d’une obligation d’achat aux opérateurs. Au-delà des recours tendant l’annulation du nouveau dispositif tarifaire ou des refus de contrats d’achat, certains opérateurs rechercheront sans doute l’indemnisation du préjudice subi en raison de cette situation de grande instabilité juridique. Inutile de conseiller ou de déconseiller ici de tels recours, seul un examen cas par cas permettra d’en évaluer l’opportunité.

S’adapter à un nouveau modèle économique et juridique

La stratégie des opérateurs ne peut bien entendu pas s’arrêter à cette réflexion sur ces recours et ce d’autant plus qu’ils sont en principe non suspensifs. L’urgence est donc aussi de réfléchir au moyen d’appliquer et de s’adapter à « la nouvelle règle du jeu », quel que soit le jugement que l’on peut porter à son endroit.

De ce point de vue, deux observations sont aujourd’hui possibles.

En premier lieu, le modèle économique du solaire va sans doute changer. L’intérêt des projets de systèmes solaires reposera moins sur l’obligation d’achat. Notre conviction est que ces projets ne seront plus simplement des projets de production d’électricité mais souvent des projets de développement durable de haute qualité environnementale, au sol ou intégrés au bâti qui devront s’intégrer dans un projet plus global, par exemple agricole ou urbanistique.

En second lieu, outre cette évolution du modèle économique, les opérateurs doivent impérativement changer leur approche juridique. L’opportunité d’un projet ne dépend pas seulement d’une analyse des tarifs d’achat mais plus que jamais d’une sécurisation au regard des règles du droit de l’urbanisme et de l’environnement. De ce point de vue la filière solaire connaît aujourd’hui des difficultés que la filière éolienne a rencontrées hier. La plus grande attention doit désormais être portée à la composition des demandes d’autorisation d’urbanisme, au contenu des documents de planification (POS etc…), aux classements de zones etc… Auditer chaque projet au regard de ces règles urbanistiques et environnementales est devenu indispensable.

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