Le Plan « Energies Bleues » du Grenelle de la mer : décryptage

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GossementLe Grenelle de la mer achève aujourd’hui ses travaux et le Président de la République doit prononcer demain un discours au Havre sur la nouvelle politique marine de la France. Au nombre des engagements conclus : le Plan « Energies Bleues » qui vise à développer les sources d’énergies renouvelables en mer. Le point avec Arnaud Gossement, avocat associé en droit de l’environnement au Cabinet Huglo-Lepage & Associés et Maître de conférences à Sciences Po Paris.

Objectif : 6000 Mw en 2020. A la suite du Grenelle de l’environnement qui s’est tenu en 2007, le Parlement s’apprête à voter, ce 22 juillet, un projet de loi dit « Grenelle 1 », lequel établit, à l’article 17, une liste des sources d’énergies reconnues renouvelables. Les énergies marine et hydraulique en font bien entendu partie. En conséquence, leur développement doit permettre à la France de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020, conformément à l’article 2 du même projet de loi. Dans ce cadre, les acteurs du Grenelle de la mer sont tombés d’accord sur l’urgence d’un « plan énergies bleues » avec un objectif chiffré : 6000 MW d’énergies marines en 2020. Ce plan annonce une « stratégie de développement des énergies marines » et une « politique maritime intégrée qui repose sur les 3 piliers du développement durable : la cohésion sociale, l’environnement et l’économie. Le message est clair : il n’est pas question de penser la mer ni du seul point de vue de la production énergétique, ni du seul point de vue de sa sanctuarisation mais bien d’articuler économie et écologie.

Le principe de prudence. On remarquera que si l’objectif est ambitieux, la décision relative aux moyens de l’atteindre est d’une particulière prudence. Là encore, les difficultés rencontrées par le secteur éolien terrestre sont manifestement dans tous les esprits. Qu’on en juge : « Le Grenelle de la mer acte un soutien fort à des pilotes pré industriel pour identifier les technologies du futur dont la France veut se doter, en concertation avec les acteurs et en s’assurant que ces technologies soient compatibles avec le respect de l’environnement (dont une majorité en Outre Mer) ». On le voit : le texte final insiste sur les exigences de « concertation » et de respect de l’environnement. L’idée ‘est pas uniquement de « faire du volume », maintes fois rappelée lors de l’affichage de la priorité au solaire dans le Plan Borloo sur les énergies renouvelables du 17 novembre 2008. L’idée est désormais bien d’aller pas à pas, en mesurant de manière continue l’acceptabilité sociale et environnementale des projets.

Des projets pilotes et un appel à projet. Le Gouvernement entend donc commencer par l’autorisation de projets pilotes dont la liste est la suivante : 3 sites pour les hydrauliennes, un pilote Energie thermique des mers, un pilote d’éoliennes flottantes, un dispositif de pompe à chaleur/froid par territoire d’Outre mer (climatisation de l’Hôpital de Tahiti dans les 2 ans), soutien à 2 projets houlomoteurs. La décision du Grenelle de la mer précise en outre qu’un appel à projet sera lancé avant fin 2009 pour créer un centre d’essai de rang mondial sur les énergies marines. L’enjeu est de taille. Si la mer couvre 70% de la surface du globe, elle occupe aussi une grande partie du domaine français. Avec 11 millions de km² de domaine maritime, la France est présente sur 4 océans et constitue une porte d’entrée pour l’Europe sur plusieurs façades. C’est un atout économique et écologique considérable qui peut aussi représenter un nouveau modèle de développement soutenable pour l’Outre mer. Un récent colloque organisé à Bercy par l’Agence française de développement atteste de ce que la protection de l’environnement et de la biodiversité sont aujourd’hui considérés comme un facteur important de progrès économique par les opérateurs concernés. Le texte final du Grenelle de la mer précise d’ailleurs : « L’Outre mer sera la vitrine technologique et le territoire d’expérimentation de la France en matière d’énergies marines renouvelables ».

Besoin de droit. Ce nouveau besoin de mer, où l’élément n’est plus vécu uniquement comme source de profit ou au travers de ses maux, constitue sans doute ce « changement de cap » que représente le Grenelle de la mer et salué par plusieurs ONG. Toutefois, il s’accompagne d’un besoin de droit évident tant le régime juridique applicable à ces projets d’énergies bleues est incertain. De nouveaux textes seront sans aucun doute écrits dans les mois à venir. Il faut espérer que leur cohérence, leur lisibilité, leur codification soit au cœur des préoccupations de leurs rédacteurs.

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