Taxe carbone : le levier d’une nouvelle économie verte ?

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GossementJean-Louis Borloo vient d’annoncer l’organisation, début  juillet, d’une conférence d’experts sur la fiscalité carbone et, plus précisément, sur le mécanisme d’une “contribution climat énergie”. Cette conférence sera présidée par l’ancien Premier ministre Michel Rocard. Arnaud Gossement, avocat associé en droit de l’environnement au Cabinet Huglo-Lepage et enseignant à Paris I et Sciences Po, passe en revue des principaux termes du débat à venir.

Taxe carbone ou contribution climat énergie ? Lors de la dernière campagne présidentielle, Nicolas Hulot avait repris dans son Pacte écologique l’idée d’une taxe carbone destinée à réduire drastiquement le volume de nos émissions de gaz à effet de serre, lesquelles ne sont pas toutes concernées par le système européen de quotas d’émissions de GES (38 % des émissions de GES pour la France). L’idée est portée depuis longtemps et avec conviction par Jean-Marc Jancovici, également membre du Comité de veille écologique. Lors du Grenelle de l’environnement, les acteurs réunis ont convenu d’étudier non pas une taxe carbone mais une contribution climat énergie. Certaines associations craignaient en effet que la taxe carbone n’avantage l’énergie nucléaire réputée faiblement carbonée. A la place, la contribution climat énergie (CCE) est censée encourager une réduction globale de la consommation d’énergie. Les débats promettent cependant d’être vifs sur le sort à réserver aux énergies renouvelables dont la liste précise n’est pas encore arrêtée définitivement par la loi. A noter : la CCE ne doit pas être davantage confondue avec la taxe carbone aux frontières, également appelée « taxe Cambridge »

Eviter le syndrome de la taxe pique nique. Pourquoi réunir une conférence d’experts ? En réalité, le procédé est opportun. Alors que la « taxe sur les produits fortement générateurs de déchets ». Jean-Louis Borloo avait subi une campagne anti taxe « pique nique » lorsqu’il avait voulu en défendre le principe, à la veille de la discussion de la loi de finances pour 2009. Elle est donc passée à la trappe, tout comme l’idée d’étendre le système du bonus malus automobile à d’autres familles de produits. A n’en pas douter, certains membres du Gouvernement eux mêmes ont, à l’époque, répandu l’idée que l’écologie pourrait constituer un prétexte facile à de nouvelles taxes. C’est pour cela que la CCE doit respecter un principe de neutralité fiscale de nature à interdire toute hausse du niveau général des prélèvements obligatoires. Cela étant, certaines associations de défense des consommateurs ont exprimé la crainte que la charge ne soit transférée du contribuable au consommateur, lequel subirait alors peut être une perte de pouvoir d’achat, aggravée par l’absence d’alternative aux énergies taxées.

Une taxe de substitution ? Le principe de neutralité fiscale, qui a bien failli être inscrit dans la loi commande que la création de la CCE soit compensée par une baisse de la fiscalité sur le travail voire par la disparition de la taxe professionnelle. Problème : le but premier de la CCE n’est pas d’abonder le budget de l’Etat mais de voir son produit distribué puis, dans une hypothèse optimiste, diminuer à mesure de la baisse de la consommation d’énergie qu’elle doit encourager. En effet, les débats au sein de la conférence d’experts porteront notamment sur la redistribution du produit de la taxe vers les ménages les plus modestes : d’où l’idée de « chèques verts ». Yves Cochet, député Verts de Paris, a d’ailleurs récemment présenté une proposition de loi à l’Assemblée nationale relative à la création de la CCE, qui précise que l’intégralité du produit de cette taxe doit être redistribué dans un but de simplicité et d’acceptabilité sociale de ce mécanisme.

Quelles modalités d’application ? La conférence d’experts devra se prononcer, non seulement sur l’assiette et le taux de la CCE mais aussi sur son instrument juridique. Le Livre blanc présenté par le Ministre de l’Ecologie retient à ce stade deux hypothèses. Un premier scénario dit « additionnel » reviendrait à ajouter cette contribution aux taxes existantes comme la TIPP. Un deuxième scénario dit « différentiel » reviendrait  à créer une nouvelle taxe, assise, pour les auteurs du Livre blanc, sur le contenu en CO² des énergies fossiles.

Quel calendrier ? En conclusion, on ne peut donc que se réjouir que le débat soit enfin lancé sur cette révolution fiscale verte. Il s’ouvre toutefois trop tard pour permettre la création de la CCE dans la loi de finances pour 2010 qui sera votée à la fin de l’année. Raison pour laquelle Jean-Louis Borloo n’envisage pas son entrée en vigueur avant 2011.

Pour plus d’informations, contribution-climat-energie.

Lire aussi notre article : “Taxe carbone, la France hésite, la Suède pousse”

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