Le mini-éolien a la cote, mais son intérêt en ville est douteux

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Suffit-il de planter une éolienne sur son toit pour se procurer une énergie propre et bon marché ? Ce peut être coûteux mais techniquement tout à fait possible (à condition que le vent souffle), grâce à des mini-éoliennes d’une capacité de 300 watts à 50 KW et hautes de quelques mètres — contre plus de 100 m pour les méga-éoliennes de grande taille. Elles séduisent de plus en plus partout dans le monde, et des centaines de milliers de maisons, d’immeubles ou de fermes, encouragés souvent par des aides publiques, s’équipent de ces éoliennes de petite puissance, une mode qui gagne maintenant les villes.

C’est la promesse d’un fabuleux marché de masse : l’investissement de 6 millions de livres (7,5 millions d’euros) du groupe allemand RWE (l’équivalent allemand d’EDF) dans le fabricant britannique d’éoliennes de petite puissance Quiet Revolution, annoncé cette semaine, illustre l’engouement des entreprises pour ce secteur du « small wind ».

Quiet Revolution a en outre perçu un million de livres supplémentaires d‘un groupe d’investisseurs privés, et pourra ainsi développer son modèle vedette, le qr5 (photo ci-dessus), une éolienne d’une capacité de 6 KW et de 5 mètres de haut vendue 25.000 livres environ, destinée aux immeubles en ville. Quiet Revolution n’en a installé pour l’instant qu’une trentaine.

C’est un véritable engouement : le secteur des petites éoliennes voit déferler des centaines de fabricants
qui proposent des appareils aux formes les plus diverses, comme l’américain Mariah Power qui commercialise une petite éolienne à 4.000 dollars, Marquiss Wind Power qui a levé en janvier 1,3 million de dollars, New Earth et son “Helix Wind” (voir photo ci contre), qui vient de recevoir une commande de 10 millions de dollars en Amérique du Sud ou encore Southwest Windpower qui vend des mini-éoliennes depuis 20 ans et en a déjà commercialisé plus de 100.000 exemplaires dans plus de 60 pays.

La plupart de ces modèles design sont fabriqués aux Etats-Unis, mais par exemple en Chine, dans les régions rurales privées d’électricité comme en Mongolie Intérieure, au Xinjiang et au Qinghai, et sur les côtes, le gouvernement chinois en a installé 120.000, selon le site public China New Energy Net. Elles fournissent par exemple l’électricité nécessaire aux éleveurs et aux pêcheurs pour l’éclairage et la télévision.

Selon une étude de marché de l’Association américaine de l’éolien AWEA, les industriels américains ont accru leurs ventes de 14% en 2007, avec 9.000 untés vendues, et selon l’association britannique de l’éolien (BWEA) les fabricants britanniques ont eux enregistré en 2007 une croissance de 80% de leurs ventes, avec 3.500 micro et petites éoliennes déployées. Il y aurait environ 3.000 petites éoliennes résidentielles (assez grandes pour être adaptées à une maison) actives aux USA produisant au total 60 mégawatts.

De nombreux sites expliquent même comment construire soi-même une mini-éolienne pour 100 dollars. On trouve même des éoliennes de 10 cm (société Hymini), aux allures de mini-ventilateur (cf photo ci-contre), à fixer par exemple sur le guidon d’une vélo pour recharger un téléphone portable tout en roulant….

La vogue gagne les grandes métropoles occidentales : récemment le maire de San Francisco a modifié la réglementation pour encourager ses concitoyens à planter des hélices sur leur toit. Au total, quelque 35.000 petites éoliennes ont été vendues aux Américains depuis 10 ans.  Elles gagnent aussi du terrain en Allemagne et au Japon, et en France, le designer Phlippe Stark planche sur un modèle de quelques centaines d’euros. L’Espagne a elle lancé un projet public de recherche très ambitieux.

Mais au milieu de cette euphorie une étude de l’agence publique britanique Carbon Trust est venue jeter un doute sérieux sur l’intérêt de ces éoliennes dans les grandes villes : son rapport affirme que, le plus souvent, les éoliennes installées dans les villes n’ont même pas assez de vent pour compenser les émissions carbone issues de leur fabrication et installation.

Car leur rendement est particulièrement faible : selon les calculs de Carbon Trust, si 10% de tous les foyers britanniques s’équipaient d’une petite éolienne, cela ne couvrirait que 0,4% des besoins énergétiques du pays, un taux extrêmement bas. Car les immeubles coupent le vent, et donc les éoliennes n‘atteignent leur capacité théorique que 10% du temps. En revanche à la campagne, les éoliennes individuelles sont nettement plus intéressantes, surtout si elles sont assez grosses, selon Carbon Trust.

Il faut aussi considérer leur coût : une éolienne domestique peut coûter jusqu’à 20.000 euros, ce qui veut dire qu’il faudra 5 à 10 ans pour que l’économie d’énergie rembourse son achat. Des études de cas réalisées par l’association canadienne de l’énergie éolienne montrent le coût élevé de telles installations. Carbon Trust recommande d’évaluer soigneusement le bilan carbone de ces petites éoliennes avant de se lancer, et surtout la quantité et la régularité du vent.

Les mises en garde de Carbon Trust interviennent alors que l’éolien de grande échelle est lui aussi critiqué : un article du New York Times  a récemment exposé les difficultés de raccorder des éoliennes au réseau électrique faute d’nvestissements pour accroitre sa capacité, au point que des parcs d’éoliennes sont contraints de fermer. Et le groupe allemand E.ON a lui affirmé que l’énergie éolienne est si peu fiable que même si la Grande-Bretagne installait les 13.000 turbines nécessaires pour remplir les critères demandés par l’Union européenne, ce qui coûterait 100 milliards de livres, elles ne pourraient fournir avec certitude que 7% des besoins en électricité pendant les pics de l’hiver, alors que les vents tombent. Aux jours plus froid de l’hiver, selon E.ON, 92% des éoliennes devraient être relayées par des centrales classiques au charbon. Le groupe s’est d’ailleurs fait accuser de vouloir ainsi défendre ses projets de construction de centrales au charbon.

(Photos : DR)

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